Halide Perovskites

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Objectifs

La famille des pérovskites halogénées regroupe l’ensemble des matériaux cristallins dérivés de la structure idéale pérovskite, et résulte de l’auto-assemblage de fragments inorganiques [MX6]n- où M est un métal divalent et X un ion halogène (I, Br, Cl) et de cations A, de nature organique dans le cas des pérovskites hybrides, ou inorganique tel que le césium. Suivant la nature du cation A et la stoechiométrie du composé, la charpente inorganique implique une connectivité 3D, 2D, 1D ou 0D induisant des structures électroniques de basse dimensionnalité, passant d’une structure 3D à celle de puits quantiques, de fils quantiques ou de boîtes quantiques respectivement. En particulier, les pérovskites hybrides 2D en couches, de formule A2MX4, avec A un cation organique, sont étudiées depuis une vingtaine d’années pour leurs propriétés optiques exceptionnelles, mais aussi pour la grande flexibilité offerte en termes d’élaboration, d’auto-assemblage et de synthèse chimique.

L’histoire des pérovskites halogénées pour le photovoltaïque s’accélère brutalement au milieu de l’année 2012, après quelques résultats initiaux Japonais et Coréens, sous l’impulsion simultanée de 2 équipes : l’équipe de l’EPFL (M. Grätzel) et l’équipe d’Oxford (H. Snaith). Les rendements photovoltaïques record obtenus atteignent très rapidement 10% (2012), 15% (2013), 20% (2014), 22% (début 2016), 25.7% (2022). Une telle pente de développement est tout à fait inédite dans l’histoire du photovoltaïque, et c’est pourquoi, dès 2013, la revue Science a qualifié les pérovskites hybrides de « breakthrough » matériau. En 2016, cet engouement se confirme avec la potentialité pour les pérovskites halogénées d’être incluses dans des cellules silicium, pour réaliser des cellules tandems : en 2022, un rendement record de 31.3% est déjà atteint dans une cellule tandem silicium/pérovskite. Des cellules tandem pérovskite/pérovskite sont également réalisées avec un record atteignant 26.4% en 2022.

L’élan pour les pérovskites halogénées est certes porté par le domaine du photovoltaïque, mais les pérovskites halogénées sont des matériaux intéressants à bien d’autres égards. Dès 2014, on voit apparaître les premières démonstrations de PeLEDs (LEDs à base de pérovskites hybrides), une première démonstration de luminescence blanche, une première indication d’émission spontanée amplifiée (ASE : Amplified Spontaneous Emission), et depuis 2015, les articles sur les applications lasers se multiplient. Les nanoparticules de CsPbX3 ont permis aux pérovskites halogénées de faire leur entrée dans le domaine de l’optique quantique. Une autre application importante apparue dès 2014 concerne l’utilisation des pérovskites halogénées comme photodétecteurs de rayons X. L’ajout de fonctionnalités de type magnétique à la molécule laisse envisager une entrée prochaine dans le domaine de la spintronique : important effet Rashba, pérovskites 2D à base de Cu, Mn, Fe, Cr, multiferroïsme, ferroélectricité, etc. Enfin, dès 2016, de nouvelles applications des pérovskites halogénées apparaissent dans la littérature : fractionnement de l’eau, production d’énergie thermoélectrique, optique non-linéaire, récupération d’énergie piézoélectrique, transistors à effet de champ, mémoires RAM, interface physique-biologie, etc..

L’explication de ce succès fulgurant se trouve dans le fait que les pérovskites halogénées sont une nouvelle classe de semiconducteurs combinant un ensemble de propriétés rarement toutes rassemblées dans le même matériau : un grand coefficient d’absorption, une énergie de bande interdite facilement adaptable de l’IR proche au visible, des propriétés excitoniques adaptables pour les différentes applications visées, de grandes longueurs de diffusion des porteurs de charge, une grande tolérance aux défauts. De plus, toutes ces propriétés sont associées à des méthodes de dépôt en solution, dans des conditions douces de température et de pression, peu coûteuses et compatibles avec de grandes surfaces
Cependant, le développement industriel des composants optoélectroniques à base de pérovskites halogénées présente des verrous qu’il faudra surmonter : la présence de plomb et la stabilité chimique (sensibilité à l‘humidité et à la lumière). En particulier, même si d’énormes progrès ont été réalisés en peu de temps concernant la stabilité, celle-ci est encore insuffisante pour une production de masse.
Le GDR HPERO propose une approche qui mélange à part égale les aspects fondamentaux et appliqués, de façon à créer une synergie susceptible d’élaborer de nouveaux concepts comme de proposer de nouvelles potentialités en termes d’applications. Pour faire progresser de façon décisive les différentes problématiques, le GDR HPERO est organisé autour de 6 axes scientifiques :

  • 1-Ingéniérie du matériau :

    Le développement des pérovskites halogénées dans le domaine du photovoltaïque, de la photonique et d’autres domaines émergeants nécessite la conception de nouveaux matériaux dérivés apportant des plus-values, notamment en faveur de l’augmentation de la stabilité, la diminution de la quantité de plomb, l’augmentation des performances, l’utilisation de solvants ou de méthodes de dépôt plus respectueuses de l’environnement.
    Des axes importants d’étude sont l’utilisation d’additifs et l’ajustement de la composition chimique des pérovskites 3D, le traitement de la surface des couches de pérovskites avec notamment la formation de nanocouches 2D, la synthèse de pérovskites appauvries en plomb ou sans plomb, la préparation de pérovskites 2D incorporant des cations fonctionnels, la synthèse de matériaux composites constitués de deux types de pérovskites halogénées, l’élaboration de nanocristaux de pérovskites, la recherche de solvants plus respectueux de l’environnement.
    Pour réaliser ces objectifs et accélérer la découverte de composés stables ayant des caractéristiques spécifiques, il est souhaitable de tirer partie de la grande flexibilité chimique des pérovskites halogénées, en développant de nouvelles approches de type machine learning couplées avec des plateformes robotiques pour la synthèse et la caractérisation.

  • 2- Etudes structurales et défauts :

    Le comportement physique intrinsèque des pérovskites hybrides est fortement dépendant de la structure cristalline sous-jacente (dimensionnalité, symétrie, topologie, désordre) ainsi que de sa dynamique. Les avancées récentes montrent une évolution vers une réelle démarche d’ingénierie structurale. La maîtrise des défauts dans ces matériaux semi-conducteurs est par ailleurs essentielle pour obtenir des dispositifs optoélectroniques performants et stables dans le temps.
    La principale difficulté pour comprendre et mesurer le rôle des défauts provient de la nature intrinsèquement « molle » des pérovskites hybrides provoquant des états dynamiques de ces défauts en fonction de nombreux paramètres. De telles études sont fortement pluridisciplinaires car elles touchent à la fois à l’aspect chimique (synthèse du matériau, films minces, cristaux…), physique (transport, émission, recombinaison…), technologique (dispositifs, interfaces…) et théoriques. La compréhension fine de ces défauts nécessite des études à l’échelle atomique, d’où l’importance de la présence au sein du GDR de grands instruments tel que le synchrotron SOLEIL ou des instruments d’irradiation ou d’implantation (création de défauts sous contrôle).
    La compréhension des aspects structuraux nécessite une approche multiéchelle spatiale et temporelle, en s’intéressant à la fois aux monocristaux (comportement de bulk), films minces, et dispositifs. Une systématisation des études structures/propriétés des matériaux bulk (en fonction de la température) est nécessaire pour mener à une compréhension solide du rôle joué par certains paramètres structuraux (distorsion, désordre, symétrie). La dynamique structurale (formation d’excitons, de polarons, réorientation polaire) nécessite des approches pompes-sondes appropriées. Des cartographies structurales operando (sous illumination) sur des films minces ou dispositifs permettront de comprendre les effets de dégradation, de migration ionique, de séparation de phase, et de structuration mésoscopique (domaines ferroélastiques), en ayant recours à des techniques synchrotron (nano-diffraction, nano-EXAFS).

  • 3- Propriétés physiques :

    De nombreuses propriétés physiques restent encore à explorer, les progrès dans l’élaboration d’une grande diversité de matériaux ouvrant sans cesse de nouvelles portes. Des problématiques scientifiques telles que les effets excitoniques, polaroniques, polaritoniques, l’étude des phonons, la dynamique et le transport des porteurs de charge, les propriétés de spin sont appelées à connaître de nombreux développements dans l’avenir. Leur compréhension est fondamentale pour optimiser de nouveaux matériaux et imaginer de nouveaux champs d’application. La physique des interfaces est également appelée à prendre de l’importance, car les pérovskites sont désormais intégrées dans des hétéro-structures et architectures en couches minces de complexités accrues.
    L’utilisation des approches théoriques pour la compréhension des propriétés physiques de pérovskites halogénées accompagne les nombreuses approches expérimentales dans la description des propriétés structurales, optiques, de transport grâce à des approches couvrant plusieurs échelles, allant du matériau (approches ab initio), de ses interfaces aux nano-objets (approches semi-empiriques) et aux dispositifs complets (drift diffusion).
    La spécificité de cet axe scientifique est d’être en forte interaction avec tous les autres axes, sous la forme d’un feedback entre propriétés fondamentales / matériaux / composants opto-électroniques.

  • 4- Interfaces :

    La conception et la modification des interfaces demeurent une question cruciale pour le développement des dispositifs à base de semiconducteurs : il s’agit d’un outil essentiel pour exploiter le potentiel de l’optoélectronique à base de pérovskites halogénées, notamment pour les dispositifs photovoltaïques et les diodes électroluminescentes. En effet, les améliorations remarquables des performances et de la stabilité des cellules solaires pérovskites récemment observées peuvent être principalement attribuées à un choix minutieux de la nature et de la mise en œuvre des interfaces dans l’empilement.
    Les études à réaliser portent sur la relation entre microstructucture et propriétés physiques, chimiques et optoélectroniques des couches minces à base de pérovskite, y compris leurs propriétés de surfaces (chimie, réactivité, …), la minimisation des pertes par recombinaisons non radiatives aux interfaces, les processus d’alignement énergétique aux interfaces entre la pérovskite et les couches de transport. Pour mener à bien ces études, des méthodes de caractérisation adaptées pour étudier les interfaces seront déployées, telles que spectroscopie d’impédance, photoluminescence spectrale éventuellement résolue en temps ou d’imagerie, spectroscopies Raman et infra-rouge, caractérisations microsctructurales telles que XRD 1D, 2D et EXAFS (SOLEIL, ESRF), spectroscopie de photoémission telles que spectroscopie photoélectronique à rayons X (XPS), spectroscopie de photoémission à rayons X durs (HAXPES), la spectroscopie de photoémission dans l’ultraviolet (UPS) et la spectroscopie de photoémission inverse (IPES).

  • 5- Photovoltaïque :
    L’efficacité des cellules solaires à base d’halogénures de pérovskite hybride a certainement connu l’une des croissances les plus rapides de l’histoire de la recherche photovoltaïque. Néanmoins, il existe un écart de performances important entre les cellules de petite surface et les modules. De nombreux efforts de recherche et d’ingénierie sont donc nécessaires pour maîtriser la cristallisation des matériaux pérovskites sur de grandes surfaces et ainsi améliorer les performances du module tout en augmentant sa taille. Outre l’efficacité, la stabilité des dispositifs à base de pérovskite halogénées représente actuellement un défi majeur à relever dans ce domaine. Alors que l’efficacité peut être tolérante aux défauts, les défauts dans les PSC participent à une variété de réactions chimiques avec des molécules dans l’environnement conduisant à une dégradation. Recherche fondamentale et approches d’ingénierie pour comprendre et contourner la dégradation des matériaux / dispositifs sont donc les sujets clés en cours.
    Les priorités principales sont :
    — Etude du vieillissement : compréhension des principaux mécanismes de dégradation en couplant des mesures locales des propriétés optoélectroniques et chimiques/structurales de la pérovskite ; mise en place de solutions pour augmenter la durée de vie des dispositifs : par exemple stabilité intrinsèque, encapsulation.
    — Intégration des pérovskites dans les dispositifs tandem, qui comprend le design de couches extractrices de porteurs photogénérés, de la jonction recombinante et éventuellement de solutions de passivation des différentes interfaces.
    — Travail sur les techniques de dépôt potentiellement applicables à l’échelle industrielle.

  • 6- Développements émergents :
    Largement exploitées pour la conversion photovoltaïque de l’énergie, les pérovskites halogénées ont rapidement été envisagées pour de multiples applications.
    Ces développements sont parfois déjà bien engagés. Les pérovskites halogénées apparaissent comme une alternative sérieuse aux semiconducteurs III-V dans le domaine de la photonique : les diodes électroluminescentes à base de pérovskite halogénée se rapprochent du seuil des 30% de rendement quantique externe, des micro-lasers reposant sur des structures de cavité variées avec des pérovskites comme matériau à gain ont été démontrés. Les nanocristaux de pérovskite pourraient jouer un rôle crucial dans le développement de sources de photons uniques à température ambiante pour des applications en cryptographie et communication quantiques. Enfin, il existe maintenant un nombre important de démonstrations de photodétecteurs pérovskites ouvrant la voie à de nouvelles applications telles que les télécommunications optiques dans le visible (visible light communications).Les pérovskites hybrides ou inorganiques sont notamment aussi prometteuses pour la détection de rayonnements ionisants (applications en radiographie médicale de grande surface ou en spectrométrie gamma).
    D’autres développements sont encore très émergents : domaine de la photocatalyse au sens large (piles à combustibles, réduction du CO2, water-splitting), systèmes pour le stockage électrochimique de l’énergie (batteries, super-capacités, etc) et pour la récupération d’énergie (propriétés piézoélectriques, thermoélectriques, etc.), , composants pour la spintronique, etc.), applications dans le domaine de l’électronique térahertz (nano-antennes, switchs optiques, etc.) et des capteurs, etc. Dans beaucoup de situation applicatives, les verrous actuels concernent une nouvelle fois la démonstration de matériaux photo-chimiquement stables et non toxiques, et le développement de procédés de mise en forme efficaces compatibles avec les grandes surfaces.